BUDGET FÉDÉRAL 2012
MÉMOIRE DU CCCI – CONSULTATIONS PRÉBUDGÉTAIRES
AOÛT 2011

Sommaire

Le budget fédéral 2012-2013 marquera la deuxième année du gel annoncé de 4 ans sur l’enveloppe de l’aide internationale (EAI) à 5 milliards de dollars. Le gouvernement avait adopté avant 2010 l’engagement pris par le gouvernement libéral précédent d’augmenter l’aide, puis il a décrété le gel. Le budget 2011 ne mentionnait même pas l’aide internationale. Maintenant que le gel est en vigueur, on peut s’attendre à ce que l’APD s’élève, pour 2012-2013, à environ 5,44 milliards de dollars, soit 0,3 p. 100 du revenu national brut (RNB) du Canada, en baisse par rapport au chiffre de 0,37 p. 100 de 2010-2011. D’ici 2014, ce chiffre devrait tomber à 0,28 p. 100, l’un des plus bas parmi les 22 donateurs officiels.

Le gouvernement a consacré les quelques dernières années à l’amélioration de la qualité et de l’efficacité de l’aide canadienne, ce qui a assuré certains progrès. Le budget 2012-2013 serait une excellente occasion pour annoncer un plan à long terme prévoyant la croissance future de l’aide canadienne en vue d’atteindre l’objectif de 0,7 p. 100 des Nations Unies et de bonifier les engagements relatifs au financement accéléré de la lutte contre les changements climatiques.

Ce que le CCCI s’attend à voir dans le budget 2012 :

  • Déblocage du budget de l’aide canadienne et adoption d’un calendrier de 10 ans visant à porter l’aide publique au développement (APD) du Canada au niveau, préconisé par les Nations Unies, de 0,7 p. 100 du revenu national brut, que tous les partis représentés au Parlement canadien ont approuvé en juin 2005.
  • Majoration de la contribution canadienne à l’Initiative pour l’accélération de l’éducation pour tous.
  • Annonce d’un investissement de 400 millions de dollars ou plus pour le financement accéléré, en 2011-2012 et 2012-2013, d’initiatives nouvelles ou complémentaires de lutte contre les changements climatiques.

Le CCCI a un plan pour atteindre l’objectif de 0,7 p. 100 des Nations Unies. Combien coûterait-il?

Le plan décennal proposé par le CCCI nécessiterait de majorer les postes de l’EAI consacrés à l’aide d’au moins 680 millions de dollars en 2012-2013, 760 millions en 2013-2014 et 850 millions en 2014-2015. Chacun de ces montants devrait être ajouté à la base pour le calcul des augmentations futures de l’aide. Les dépenses supplémentaires correspondantes ne représentent que 0,3 p. 100 des coûts prévus de programmes pour ces exercices, soit moins d’un tiers de cent sur chaque dollar des dépenses de programmes. Ces investissements sont essentiels pour lutter contre la pauvreté dans le monde et l’emportent en priorité sur les augmentations prévues des dépenses militaires, qui sont plus élevées aujourd’hui qu’elles ne l’ont jamais été depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Plan pour assumer notre part du financement accéléré de la lutte contre les changements climatiques

En prévision de la réunion de Durban concernant la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et du budget 2012, le gouvernement devrait annoncer un investissement de 400 millions de dollars ou plus pour le financement accéléré, en 2011-2012 et 2012-2013, d’initiatives nouvelles ou complémentaires de lutte contre les changements climatiques. Le gouvernement devrait également préciser dans le budget 2012 le plan et le calendrier d’augmentation de ses contributions afin d’assurer un financement prévisible, élément clé de l’efficacité de l’aide. Ce financement devrait atténuer les effets des changements climatiques sur les populations pauvres et vulnérables.

Soutien de l’éducation pour tous

En prévision du renouvellement, en novembre 2011, de l’Initiative pour l’accélération de l’éducation pour tous, le Canada devrait augmenter sa contribution à l’initiative dans le budget 2012, en tenant compte de son énergique appui actuel à l’éducation, à l’échelle tant bilatérale que multilatérale, de l’importance de l’initiative et de la stagnation actuelle du budget de l’aide.


L’avenir de l’APD canadienne : Quelques faits et chiffres

  1. Le niveau de l’aide canadienne baissera en 2012 et jusqu’en 2014 par suite du gel par le gouvernement de l’enveloppe de l’aide internationale à 5 milliards de dollars. Le budget de juin 2011 maintenait le gel de l’EAI à 5 milliards de dollars pour les trois prochaines années (voir description de l’EAI à l’annexe 1). Le CCCI estime que l’APD restera à environ 5,44 milliards de dollars jusqu’en 2014. Ce chiffre comprend les ajouts non budgétaires à l’EAI et se fonde sur l’hypothèse qu’il n'y aura aucune affectation ponctuelle spéciale pendant les exercices en cause. Tandis que l’APD restera constante en chiffres absolus, le niveau de l’aide canadienne, exprimé en pourcentage du revenu national brut (RNB), baissera, passant de 0,37 p. 100 en 2010 à 0,30 p. 100 en 2012, puis à 0,28 p. 100 en 2014.
  2. Le plan décennal du CCCI visant à atteindre 0,7 p. 100 en 2020 est abordable. Le CCCI et ses membres proposent depuis un certain temps de porter l’APD à 0,7 p. 100 du RNB dans le cadre d’un plan décennal financièrement responsable. Ce plan laisse assez de temps pour apporter les réformes nécessaires aux pratiques d’aide canadiennes afin de les rendre conformes aux objectifs de l’APD exposés dans la Loi sur la responsabilité en matière d’aide au développement officielle. Des augmentations annuelles d’environ 12 p. 100 des postes d’aide de l’EAI seront nécessaires pour atteindre un niveau de 0,49 p. 100 du RNB d’ici 2016-2017, puis l’objectif de 0,7 p. 100 des Nations Unies d’ici 2021. Ce plan mettrait d’importantes nouvelles ressources à la disposition de l’APD canadienne et des populations pauvres du monde, mais n’accroîtrait les dépenses de programmes fédérales dans leur ensemble que de 0,3 p. 100, soit moins d’un tiers de cent par dollar de dépenses.

    Plusieurs pays donateurs, dont le Royaume-Uni et plus récemment l’Australie, ont continué à honorer d’ambitieux engagements au chapitre de l’augmentation de l’aide malgré des conditions économiques autrement plus difficiles que celles du Canada. Le Royaume-Uni atteindra le niveau de 0,7 p. 100 en 2013, tandis que l’Australie passera de 0,32 p. 100 en 2010 à 0,5 p. 100 en 2015. Dans sa Mise à jour des projections économiques et financières d’octobre 2010, le ministère des Finances s’est vanté du fait que, d’ici 2015, le Canada aura « la meilleure situation financière des pays du G-7 » et que « le niveau de la dette est faible à l’échelle internationale et par rapport aux données historiques, et il devrait le demeurer au cours des prochaines années » (pages 30-31). D’après le plan budgétaire 2011, l’emploi et les revenus ont connu au Canada une croissance supérieure à celle de n’importe quel autre pays du G7 dans le cadre de la reprise qui a suivi la récession de 2008 (page 23). Par conséquent, le Canada peut bien se permettre d’honorer finalement sa reconnaissance de longue date de l’objectif de 0,7 p. 100 des Nations Unies pour l’APD.

  3. Pour 2011-2012, l’APD est estimée à 5,5 milliards de dollars, ce qui ne représente que 0,32 p. 100 du RNB canadien. Dans le budget de mars 2010, le gouvernement avait augmenté l’EAI de 8 p. 100, la portant à 5 milliards de dollars. Après avoir exclu les postes de l’enveloppe qui ne relèvent pas de l’APD et avoir ajouté les éléments additionnels non budgétaires, le CCCI estime que l’APD s’élèvera à environ 5,44 milliards de dollars pour 2011-2012. (On trouvera une explication de l’enveloppe à l’annexe 1).
  4. L’aide bilatérale à l’Afrique subsaharienne a été maintenue en 2009 à son niveau de 2008. En 2008, le gouvernement a annoncé à la communauté internationale qu’il avait honoré son engagement, pris deux ans plus tôt, de doubler son aide à l’Afrique. Dans l’ensemble, les niveaux de l’aide à l’Afrique subsaharienne se sont élevés, d’après l’ACDI, à 2 118 millions de dollars en 2009-2010, légèrement en hausse par rapport aux 2 094 millions de 2008-2009. L’ACDI a accru son APD bilatérale à la région de près de 80 millions de dollars en 2009-2010, tandis que l’APD multilatérale (que l’ACDI contrôle moins) a baissé de 55 millions de dollars. On aura une meilleure idée de l’engagement du Canada envers l’Afrique subsaharienne en examinant les chiffres de 2010-2011, qui seront publiés en mars 2012.
  5. Par rapport aux autres donateurs du CAD, le niveau de l’aide canadienne s’est légèrement amélioré. Malgré des augmentations modestes de son APD, en 2010, le Canada s’est classé 14e sur les 22 pays donateurs qui présentent des rapports au Comité d’aide au développement de l’OCDE. C’était un progrès par rapport à la 16e place qu’il occupait en 2000. Cette amélioration relative est attribuable à une baisse des niveaux de l’aide du Japon, du Portugal et de l’Australie par rapport à leur RNB entre 2000 et 2010.
  6. Le gel de l’aide n’améliore que d'une façon marginale la situation financière du gouvernement. D’après le budget de mars 2010, le gel de l’enveloppe de l’aide internationale à 5 milliards de dollars devait assurer des économies cumulatives de 2,2 milliards de dollars entre 2011 et 2014 (en supposant que les hausses de 8 p. 100 auraient été maintenues, ce que le gouvernement ne s’était jamais engagé à faire). Toutefois, sur la base du plan budgétaire de juin 2011, ces économies ne représenteraient que 1,2 p. 100 de la réduction des dépenses et de l’accroissement des recettes nécessaires pour équilibrer le budget d’ici 2014[1] ! Ainsi, le gouvernement améliore marginalement sa situation financière en réduisant son aide au détriment des populations pauvres et vulnérables de la planète. Entre-temps, les dépenses militaires canadiennes sont nettement plus élevées qu’elles ne l’ont jamais été depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
  7. En respectant ses engagements internationaux liés aux changements climatiques, le Canada doit équilibrer les besoins d’atténuation et d’adaptation et s’assurer que le financement ne l’empêche pas d’augmenter ses contributions à l’APD. Il semble de plus en plus probable que le gouvernement compte non seulement geler le budget de l’aide pour quatre ans, mais aussi prélever une part des crédits affectés à la réduction de la pauvreté pour réunir la somme annuelle de 400 millions de dollars qu’il a promis de réserver au financement de la lutte contre les changements climatiques en 2011 et 2012. Jusqu’ici, le gouvernement n’a annoncé aucune mesure de financement pour 2011-2012. En l’absence d’engagement à cet égard, le budget 2012 devra sans doute prévoir un montant encore plus élevé. Pour assurer le caractère prévisible de l’aide future, le gouvernement devrait aussi annoncer, dans le cadre du budget 2012, un plan et un calendrier de financement de la lutte contre les changements climatiques allant au-delà de la phase initiale « accélérée ».

    Un plan destiné à permettre au Canada d’assumer sa juste part du financement de la lutte contre les changements climatiques, tant dans la période « accélérée » de 2010 à 2012 qu’au-delà, doit non seulement respecter les objectifs financiers, mais aussi réaliser l’équilibre entre l’atténuation et l’adaptation et assurer un financement axé sur des mécanismes qui donnent la priorité aux incidences touchant les populations pauvres et vulnérables. Les engagements à prendre à cet égard doivent s’ajouter au plan décennal visant à atteindre l’objectif de 0,7 p. 100. Pour 2010, plus de 70 p. 100 des 400 millions de dollars ont été consacrés à des prêts consentis par la Société financière internationale de la Banque mondiale dans le cadre des investissements du secteur privé dans les pays en développement. Plus de 100 millions de dollars avaient alors été prélevés sur l’EAI de 2010, au lieu de servir à financer des projets d’aide prioritaires.

  8. L’augmentation de la contribution du gouvernement à l’Initiative pour l’accélération de l’éducation pour tous appuie les trois priorités thématiques du Canada. L’Initiative pour l’accélération de l’éducation pour tous organise sa toute première conférence de renouvellement du 6 au 8 novembre 2011. C’est la première fois que l’initiative coordonne ainsi les efforts des donateurs pour s’assurer un financement prévisible et à long terme. À l’heure actuelle, 37 pays bénéficient du financement de l’initiative pour renforcer et développer leurs propres efforts consacrés à l’éducation et aux plans stratégiques nationaux. Le Canada est l’un des pays fondateurs de l’initiative, mais, en dépit des progrès mesurables qu’elle a réalisés, les contributions canadiennes ont diminué ces dernières années. Au cours de la conférence de renouvellement, qui aura lieu avant le dépôt du budget 2012, le Canada devrait augmenter sa contribution à l’initiative en tenant compte de son énergique appui actuel à l’éducation, à l’échelle tant bilatérale que multilatérale, de l’importance de l’initiative et de la stagnation actuelle du budget de l’aide. La contribution devrait représenter une « part équitable » de ce que le Canada devrait dépenser. Une telle dépense est compatible avec les priorités thématiques actuelles du pays, qui sont liées aux enfants et aux jeunes, à la santé, à la sécurité alimentaire et à une croissance économique durable. En Afrique, les enfants des mères qui ont terminé leurs études primaires ont 40 p. 100 de plus de chances d’atteindre l’âge de 5 ans et 50 p. 100 de plus de chances de recevoir les vaccins pouvant leur sauver la vie. De plus, l’investissement dans l’éducation des filles augmente la production agricole de 25 p. 100, et chaque année supplémentaire d’études scolaires accroît de 10 p. 100 le revenu individuel potentiel[2]

Annexe 1 : Qu’est-ce que l’enveloppe de l’aide internationale (EAI)?

L’enveloppe de l’aide internationale (EAI) contient les affectations budgétaires destinées par le gouvernement fédéral aux programmes de coopération internationale. L’EAI comprend les crédits attribués à l’ACDI, aux Affaires étrangères, au ministère des Finances et à d’autres ministères. Depuis le budget fédéral 2005, l’enveloppe est répartie entre cinq éléments (développement, institutions financières internationales, paix et sécurité, fonds de crise et recherche sur le développement). Les postes figurant dans l’enveloppe ne peuvent pas être tous inclus dans l’aide canadienne ou dans l’aide publique au développement. De plus, l’enveloppe ne comprend pas toutes les rubriques qu’on peut inclure dans le calcul de l’APD canadienne.

Quelques postes de l’EAI, comme certaines des dépenses consacrées à la paix et à la sécurité (désaffectation des ogives nucléaires de l’ancienne Union soviétique, programmes de sécurité dans les pays non admissibles à l’APD) ne peuvent pas compter dans l’APD (selon les critères établis par l’ensemble des donateurs participant aux réunions du Comité d’aide au développement de l’OCDE et par la Loi sur la responsabilité en matière d’aide au développement officielle).

L’APD canadienne comprend tous les postes de l’EAI admissibles à l’APD ainsi que d’autres montants affectés par les gouvernements canadiens que le Comité d’aide au développement accepte comme éléments de l’APD (coût assumés la première année pour aider les réfugiés venant de pays en développement, dépenses provinciales consacrées à l’aide, radiation bilatérale de dettes, coûts assumés au Canada à l’égard d’étudiants venant de pays en développement, etc.). Ces postes ne sont pas inclus dans l’EAI parce qu’ils sont affectés dans le cadre d’autres dépenses gouvernementales (coûts des réfugiés), n’ont pas un caractère budgétaire (radiation de dettes) ou constituent des valeurs estimatives (ressortissants de pays en développement faisant des études au Canada).

Par conséquent, l’APD totale du Canada comprend les éléments suivants :

Bien que le gouvernement et le budget mentionnent encore l’enveloppe de l’aide internationale, il n’existe depuis 2007-2008 aucune ventilation publique des postes de l’EAI, que ce soit dans le budget ou dans les prévisions budgétaires détaillées. L’estimation de l’EAI faite par le CCCI se fonde sur les affectations budgétaires actuelles concernant les postes qui composaient l’enveloppe en 2007.



[1] La mise à jour financière établit le déficit de 2010 à 45,6 milliards de dollars. Une combinaison de réductions des dépenses et d’augmentations des recettes s’élevant à un total cumulatif de 117 milliards de dollars doit être réalisée entre 2010 et 2014 pour atteindre l’équilibre budgétaire en 2015.

[2] « The Education for All Fast Track Initiative: the Case for Further Investment », http://www.educationfasttrack.org/media/library/replenishment-fundraising/business-case-replenishment.pdf.